Vive polémique au parlement
La polémique entre députés de la majorité et de l’opposition, enfle à l’assemblée nationale, sur fond d’accusations de volonté d’anéantir les prérogatives de contrôle de l’action du gouvernement, par les parlementaires, à travers la modification du règlement intérieur, pour le remplacer par une autre loi organique réduisant considérablement la parole des députés.
Des échanges matérialisés par des communiqués de presse, suivis de répliques immédiates, entre les protagonistes, qui alimentent une tension de plus en plus vive au sein de la deuxième institution de la République, dont la mission est de voter les lois, contrôler l’action du gouvernement et évaluer les politiques publiques.
Les hostilités ont débuté par une interpellation de l’honorable député Kadiata Malik Diallo, adressée au ministre de l’intérieur, au sujet « d’expulsions massives d’étrangers en situation irrégulières dans le pays ».
Des opérations menées « avec de graves violations des droits des migrants, exposant nos propres ressortissants dans ces pays, à des risques de représailles ». Une dénonciation qui s’appuie sur les témoignages des victimes, de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) et diverses autres sources.
L’interpellation destinée au ministre de l’intérieur et de la décentralisation « est rejetée par la conférence des présidents, sans mention sur le procès-verbal » au cours d’une réunion tenue le 07 avril, déplore son auteur.
La déclaration de protestation rappelle par ailleurs « une demande de constitution d’une commission d’enquête parlementaire, formulée par le Groupe Espoir Mauritanie » encore rejetée par le bureau de l’assemblée nationale « sous le prétexte de l’absence de prévisions budgétaires ».
Le document dénonce le comportement « d’une majorité mécanique, par un jeu déloyal, qui empêche les députés de l’opposition de défendre en séances plénières, leurs propositions d’amendement aux lois soumis à l’approbation de la représentation nationale ».
Réaction de l’AN : question écrite, orale, ou d’actualité
Réagissant aux protestations de la députée de l’opposition, la deuxième institution de la République, rappelle le riche parcours parlementaire de Kadiata Malik Diallo, présente à l’hémicycle pendant 3 législatures.
Un profil qui permet « de savoir que les mécanismes de contrôle parlementaire de l’action du gouvernement sont nombreux et variés : ils commencent par la question écrite et se terminent par la motion de censure, en passant par les questions orales avec et sans débat, les interpellations, les commissions d’enquête et d’informations, en plus des déclarations gouvernementales prévues par la constitution ».
La déclaration de l’assemblée nationale revient également sur « les formes, l’usage et les limites » de ces différents mécanismes.
Au plan de la forme, le bureau de l’institution soutient la thèse « d’une interpellation » dont il a demandé à la reformulation « en question orale, afin de garantir le respect des dispositions du règlement intérieur, car elle n’avait trouvé dans la justification des motifs présentés, ni l’urgence, ni la gravité des faits pouvant conduire à une ’interpellation.
Dans le fond, la réponse de l’assemblée nationale réfute « la thèse des expulsions massives » affirmant « n’avoir entendu aucun des responsables gouvernementaux ou parlementaires » des pays, dont les ressortissants ont été touchés, remettre en question la légitimité de ces expulsions ».
Violation des usages parlementaires
Suite à la publication du communiqué de l’assemblée nationale, les groupes parlementaires de l’opposition : TAWASSOUL, Espoir Mauritanie et AJD/MR, ont exprimé une vive indignation au sujet « d’une violation des usages parlementaires et un dépassement sans précédent » à travers une déclaration commune.
Un document qui rappelle que « toute déclaration publiée au nom de l’assemblée nationale, doit être le fruit d’un débat inclusif entre les groupes parlementaires, ou être adoptée par un vote au sein des instances compétentes, après que chaque partie ait eu la possibilité d’exprimer son point de vue dans un débat préalable ».
Dans la foulée, les groupes parlementaires rappellent que « dans l’histoire du parlement mauritanien, l assemblée nationale n’a jamais publié un communiqué pour répondre à l’un de ses membres, à la suite d’une déclaration, une intervention ou une interview. Les réponses et débats sont normalement laissés aux députés eux-mêmes, c'est à l’opinion, de juger leur contenu et d’en évaluer la pertinence ».
Ce communiqué est présenté comme « un épisode d’une série de faits, caractéristiques d’un recul du travail parlementaire : entrave des députés de la majorité aux questions adressées aux membres du gouvernement, refus ou report des interpellations, mise en veille de la chaine parlementaire… ».Un affaissement qui place progressivement l’auguste institution, dans la posture d’un appendice de l’exécutif validant ses décisions.
Amadou Seck Seck
13/04/2025